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« Qui nous séparera de l’amour du Christ ? » (Rm 8, 35).
Message de Mgr Faustin NGABU, Evêque de Goma
face aux derniers événements à l’Est de la RDC


1. Bref Panorama de la dernière situation
Depuis des mois, la situation humanitaire de l’Est du
pays n’a cessé de s’empirer et de tirer la sonnette d’alarme à
cause des affrontements atroces qui ont opposé les troupes
FARDC et celles du CNDP de Laurent Nkunda. Depuis fin
Août 2008 la recrudescence de ces affrontements a
augmenté le nombre des déplacés sur toute l’étendue de
notre Diocèse, intensifiant ainsi les misères d’hommes et des
femmes, plus nombreux sur les routes et dans des camps
des déplacés où évidemment les conditions de vie de ces
personnes deviennent insupportables.
Le début de la semaine du 25 octobre 2008 a vu un
revirement presque inattendu de la situation avec des
combats qui ont conduit à la prise de Rutshuru et à l’avancée
sur Goma. Le présage de cette situation était déjà sensible et
manifeste par des vagues des déplacements des familles
entières vers le Rwanda, d’autres vers Bukavu, Kinshasa et
ailleurs vidant ainsi la ville de Goma d’un bon nombre de ses
habitants.
Cette nouvelle situation a paniqué totalement la ville de
Goma qui a vu comme en rêve le pillage systématique des
biens de la population (véhicules, motos, effets divers pris
des magasins et boutiques), massacres forfaitaires des
innocents et viols impitoyables des femmes. Aujourd’hui
plusieurs familles sont obligées de vivre dans une pauvreté
totale alors que leurs petites activités leur permettaient de
survivre, de scolariser leurs enfants et de se faire soigner.

Ceux qui étaient à Goma et dans ses environs l’après
midi du mercredi 29 octobre 2008 savent que la ville était
invivable avec des tirs et des coups de canon de tous côtés.
Cette nuit là était certainement une des plus longues pour
plusieurs.
Tout compte fait, ce jour inoubliable aura laissé dans les
esprits de Goma peur, panique, silence monastique,
traumatisme, deuil, confusion, incertitude, manque de
confiance dans sa propre armée nationale, sentiment de
déception et d’abandon par le pouvoir.


2. Conséquences :
Les conséquences de cette situation sont difficiles à
évaluer tant les dégâts sont indescriptibles et pas toujours
connus, dégâts matériels, humains et psychologiques :
- le nombre des vulnérables s’est augmenté surtout que
beaucoup de gens en ville vivent du jour au lendemain et
ne font pas de stocks des vivres ;
- les marchés ne fonctionnent que froidement, surtout que
les vivres et marchandises viennent de l’axe Rutshuru et
Masisi. Ce qui entraîne l’assèchement des denrées
alimentaires sur le marché local avec comme corollaire la
flambée des prix;
- les établissements de soins presque fermés, surtout que
les médecins et infirmiers étaient en grève depuis
quelques semaines et certaines pharmacies vidées : ce
qui entraîne la hausse incontrôlée des prix des
médicaments et le croupissement des personnes
malades et vulnérables dans leurs domiciles;
- Certaines familles continuent d’accueillir des dizaines
des déplacés sans avoir de quoi les nourrir et les prendre
en charge. Nous saisissons cette occasion pour
remercier de tout cœur ces familles d’accueil pour leur

marque de charité et de générosité en faveur des sans
abris : j’étais nu, malade, affamé, assoiffé et même
déplacé et réfugié…, et vous êtes venus à mon
secours, et vous m’avez accueilli et assisté (cf. Mt 25,
34ss).


3. Au vu de ce qui précède, le travail à faire dans
l’immédiat est non seulement de venir en aide aux déplacés
nombreux qui sont sur les routes et dans les camps, mais
aussi des gens qui pendant toute une semaine se sont
enfermés dans leurs propres maisons par peur des exactions,
des surprises et de l’inconnu. Ceux qui ne sont plus dans des
camps détruits ou abandonnés attendent aussi d’être assistés
dans leurs villages et les quartiers en ville même. Nous
demandons à notre Caritas diocésaine et à ses partenaires
de doubler les efforts, comme par le passé et lors des
grandes urgences, pour assister tous les vulnérables qui sont
devenus plus nombreux même en ville.


4. Choqué par cette situation alarmante et compte tenu
des conséquences néfastes qu’elle présente, nous adressons
d’un cœur paternel et compatissant, ce message
d’encouragement, de foi et d’espérance aux familles
éprouvées, dépouillées, sinistrées, traumatisées et
endeuillées par ces événements atroces. En effet, « qui nous
séparera de l’amour du Christ ?... La tribulation,
l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, le péril, le
glaive ? Oui j’en ai l’assurance, ni mort, ni vie … ni
aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour
de Dieu manifesté dans le Christ notre Seigneur » (Rm 8,
35-39).
Nous regrettons et condamnons avec force lecomportements irrespectueux contre la dignité de la femme
qui manifeste de plus en plus une culture honteuse qui

s’insinue malheureusement dans notre société. On se
demande vraiment d’où vient cette malheureuse habitude de
violer et des violenter nos sœurs, nos mères. D’où vient cette
intuition malsaine qui ne pense qu’à vider les maisons, les
magasins et boutiques d’autrui, à paupériser les voisins, à
s’enrichir sans travailler ? Pourquoi cette mentalité de
massacrer à vil prix nos propres frères en se moquant de la
vie des autres ? Nous regrettons et condamnons avec la
dernière énergie l’impunité qui favorise ces faits et la
corruption qui les cautionne.


5. Aux acteurs de la situation actuelle
Nous demandons de tout faire pour mettre en œuvre
toutes les voies possibles pour arriver à une solution
pacifique. Nous estimons que toutes les rencontres qui se
font à tous les niveaux (local, régional, international) pour
trouver une solution à cette longue crise, se fassent dans la
vérité, l’objectivité, la sincérité et la prise en compte de tous
les contours de la question à la base de la crise. Le
mensonge et la complaisance n’ont jamais donné des
solutions véritables et durables aux problèmes. Personne ne
l’ignore, le contexte socio politique actuel est une continuité
des événements qui n’ont jamais bénéficié d’une attention
décisive pour résoudre les crises.
Nous le répétons, comme par le passé, que la guerre
n’est pas et ne sera jamais la voie pour la paix. Dans sa
doctrine sociale, « le Magistère de l’Eglise condamne la
barbarie de la guerre et demande qu’elle soit considérée
avec une approche complètement nouvelle. De fait il devient
humainement impossible de penser que la guerre soit en
notre ère atomique, le moyen adéquat pour obtenir la justice.
La guerre est un fléau et ne constitue jamais un moyen
approprié pour résoudre les problèmes qui surgissent entr

les nations: elle n’a jamais été et ne le sera jamais car elle
engendre des conflits nouveaux et plus complexes. Quand
elle éclate, la guerre devient un massacre inutile, une
aventure sans retour, qui compromet le présent et met en
danger l’avenir de l’humanité : avec la paix, rien n’est
perdu ; mais tout peut l’être par la guerre. Les dommages
causés par un conflit armé ne sont pas seulement matériels,
mais aussi moraux. La guerre, en définitive, est la faillite de
tout humanisme authentique, elle est toujours une défaite
de l’humanité. Jamais plus jamais les uns contre les
autres, jamais, plus jamais ! (…) jamais plus la guerre,
jamais plus la guerre ». (Conseil Pontifical Justice et
Paix, Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise,
Bayard-Cerf-Flerus.Mame, Paris 2005, n° 497.


6. Nous prions spécialement pour tous ceux qui ont des
projets macabres - qui qu’ils soient - d’ôter la vie des civils
innocents, de se convertir et de croire dans l’Amour que
Dieu a eu pour nous les hommes, ennemis que nous
étions : « aimez vos ennemis et faites du bien à ceux qui
vous persécutent » (Mt 5, 44).
Nous déplorons aussi que les moyens de communication
qui sont un grand instrument de communication et de
développement deviennent pour certains de nos frères et
sœurs, des lieux de mensonge et de diffusion de la division et
de la haine. N’acceptons pas d’être induits en erreur par des
programmes haineux distribués par ces moyens de
communication (radios et Internet) et vainquons le mensonge
par un discours de vérité : à un moment délicat comme celui
que nous traversons, la tendance est toujours celle de nous
accuser les uns et les autres. Et pourtant c’est le moment où
plus que jamais nous sommes invités à l’unité, à la
communion et à l’amour.


7. A tous les chrétiens et aux hommes de bonne
volonté,
Nous invitons tous les chrétiens et les hommes de bonne
volonté à prier sans cesse. Nous remercions le Saint Père
Benoît XVI qui a manifesté, il n’y a pas longtemps, sa
proximité spirituelle à tous les hommes et femmes de notre
région en situation difficile. La peur ne peut être vaincue que
par la confiance en Dieu qui seul nous fait vivre.
Nous demandons à toutes les paroisses d’organiser des
messes avec intention spéciale pour prier pour toutes les
victimes des dernières atrocités. C’est le moment où notre
pensée va tout droit et de façon particulière à la population de
Rutshuru et ses environs qui traverse des moments difficiles.
Notre souhait est que les affrontements qui s’y déroulent
encore puissent immédiatement s’arrêter. Dieu seul sait
combien d’hommes et de femmes continuent à perdre leur
vie. Que leurs âmes reposent en paix.
Que Dieu Notre Père étende sa Miséricorde sur son
Peuple en souffrance et que la Vierge Marie, Reine de la Paix
intercède pour nous.


Fait à Goma le 06 Novembre 2008

Msg Faustin NGABU

Evêque de GOMA